Fiche ressource | énergie & Matières organiques

Valorisons la biomasse forestière en agriculture urbaine

 
 

 Pourquoi ?

 
  • Montréal possède un patrimoine arboricole conséquent et des milliers d’arbres publics et privés ornent le territoire. La Ville de Montréal souhaite continuer à bonifier cette canopée en se donnant l’objectif d’atteindre un “indice de canopée” de 26 % d’ici 2025.

  • Du fait de leur implantation en milieu urbain, ces arbres sont soumis à une diversité de stress et d'épidémies qui affectent leur durée de vie. L’agrile du frêne a fortement contribué à l’augmentation du nombre d’arbres abattus et, par voie de conséquence, du volume du bois mort disponible pour de multiples usages dans le cadre d’une économie circulaire.

  • Les arrondissements ont la responsabilité de gérer les arbres situés sur le domaine public, dans l’emprise municipale et dans les parcs locaux. Le Service des grands parcs, du Mont-Royal et des Sports de la ville-centre gère les arbres situés dans les milieux naturels boisés comme le parc du Mont Royal. Il s’agit pour les services publics d’inventorier, d’élaguer, de planter, d'abattre les arbres, ceci en cohérence avec différents documents de planification visant à verdir la ville, améliorer la biodiversité, combattre les îlots de chaleur…

 
  • La gestion du bois, en tant que matière première, est une considération plus récente, renforcée par la décimation de nombreux arbres, victimes de l’agrile du frêne et grâce à l’appui d’organismes telle que Bois public ou le Centre de valorisation du bois urbain dont l’objet est de trouver les meilleurs débouchés possibles à cette ressource encore trop peu valorisée.

  • Les arbres urbains produisent du bois qui peut être valorisé sous forme de bois d'œuvre, de copeaux ou de bois énergie. Une deuxième vie qui pourrait profiter aussi à des projets d’agriculture urbaine : bacs, jardinières et mobilier en bois urbain, tuteurs et piquets pour la culture, paillis pour enrichir le sol et retenir l’eau, BRF pour amender les sols en matière organique, matière carbonée pour composteurs ou encore biomasse combustible pour chauffage de serres urbaines…

  • Plusieurs débouchés possibles de cette ressource, la biomasse forestière urbaine, sont de fait favorables à une production alimentaire locale, notamment via l’agriculture urbaine.

L’agrile du frêne a fortement contribué à l’augmentation du nombre d’arbres abattus et, par voie de conséquence, du volume du bois mort disponible pour de multiples usages dans le cadre d’une économie circulaire.

Potentiel sur l’île de Montréal

 

Différents gisements de biomasse forestière urbaine ont été identifiés sur l’île de Montréal dont :

1. Résidus verts

- Les résidus verts sont des matières végétales produites par les citoyens ou les entreprises spécialisées dans le cadre d’activités de jardinage, d’horticulture ou d’aménagement paysager. Ils comprennent notamment les feuilles mortes, le gazon et autres herbes coupées ainsi que les retailles d’arbres ou d’arbustes.

- En 2021, 13 à 16 000 tonnes de résidus verts ont été collectées par les services municipaux de Montréal ainsi que 13 000 tonnes de feuilles mortes. Une partie a rejoint le Complexe Environnemental Saint-Michel (CESM) pour y être compostée. Le CESM produit 6000 tonnes de compost par an.

2. Biomasse issue des travaux d’élagage et d'abattage de la forêt urbaine

- Cette biomasse est constituée des arbres situés sur le domaine public (parcs et bordures de rue), gérés par la collectivité et des arbres du domaine privé. À Montréal, le nombre d’arbres est estimé à environ 1,2 million. L’environnement des arbres urbains est difficile et menace leur durée de vie. Ainsi, en 2021, ce serait 11 500 arbres qui auraient été abattus dont majoritairement des frênes et des érables.

- Les arbres élagués par la municipalité sont souvent réduits en copeaux sur site et sont acheminés au Complexe Environnemental Saint-Michel (5000-6000 tonnes/an). Les copeaux sont utilisés pour l'aménagement du par Frédérik Back ou sont redistribués aux arrondissements et villes liées, qui les utilisent eux-mêmes ou les mettent à la disposition de leurs citoyens.

- La Ville et des acteurs tels que le Centre de valorisation du Bois urbain se mobilisent actuellement pour offrir des débouchés à plus forte valeur ajoutée à cette matière ayant un bon potentiel de réutilisation, dans le cadre d’une économie circulaire (pour fournir du mobilier et de produits d’utilité).

 

3. Arbres issus des travaux de phytoremédiation :

-          La phytoremédiation est une méthode de décontamination des sols et des eaux usées par les plantes et les arbres. À Montréal, l'institut de recherche en biologie végétale (IRBV), chef de file dans le domaine, a été mandaté par la Ville de Montréal pour établir un banc d’essai en phytoremédiation dans l’est de l’île. Le projet vise la plantation de saules à croissance rapide sur des friches municipales d’une superficie de 4 ha et contaminées par des polluants organiques et des métaux lourds.

-          Selon l’IRBV, deux ans après la plantation et le premier recépage, les saules peuvent commencer à produire environ 5 tonnes de matières sèches par hectare (TMS/ha) puis, avec une gestion appropriée des fertilisants, jusqu’à 15 T MS/ha/an. Cette biomasse forestière urbaine peut trouver de nombreuses applications, elle peut par exemple être utilisée comme biocombustible pour chauffer des serres urbaines.

-          L’IRBV a produit une estimation de la superficie nécessaire de ce type de plantation pour couvrir les besoins en chauffage d’une serre de 2000 m2. Il en ressort qu’il faudrait en théorie entre 4 et 6 Ha pour assurer une production annuelle en adéquation avec les besoins de chauffage d’une telle serre.

-          Cette synergie permettrait de croiser les possibilités de production de végétaux garantissant la dépollution des sols avec des débouchés énergétiques locaux en faveur d’une production alimentaire locale!

4. Résidus des scieries et autres sources de bois

Plusieurs acteurs concernés par la gestion du bois issu des travaux d’élagage et d'abattage ont été interrogés dans le cadre d’une série d'entretiens visant à mieux comprendre la filière. Le schéma ci-dessous résume la gestion actuelle et les opportunités de valorisation identifiées en agriculture urbaine.

Diagramme de la gestion du bois à Montréal

Gestion du bois urbain public à Montréal et synergies en agriculture urbaine

Pour les détails des recherches, consultez le rapport téléchargeable en bas de page !

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Freins

  • La perception de la biomasse forestière urbaine comme une ressource à valoriser davantage que comme un déchet dont on doit disposer est une considération récente qui se reflète encore peu dans les documents de planification politique. Un changement de vision explicite de la ville est souhaitable pour accompagner les changements des pratiques. Certaines habitudes de fonctionnement dans la gestion des matières résiduelles vertes sont parfois complexes à changer.

  • Chaque arrondissement est responsable de la gestion de ses arbres, davantage de coordination pourrait permettre de mener des actions communes, optimiser la logistique, mutualiser des points de dépôt et diffuser les bonnes pratiques. Cela permettrait de favoriser des échanges entre municipalités : certaines ont trop de copeaux/BRF, d’autres en achètent ailleurs dans le monde pour répondre à leur besoin.

  • Les débouchés pour les copeaux de bois sont limités et ces derniers s’accumulent. La réduction en copeaux ne devrait intervenir qu’en dernier recours et les possibilités d’utilisation in situ doivent être privilégiées.

  • Selon la Régie du bâtiment du Québec, les paillis de recouvrement de surface en matériaux combustibles, dont les copeaux de bois ne sont pas permis sur les toits.

  • La filière de la biomasse forestière urbaine reste à développer, à structurer et ses acteurs à fédérer. La valorisation du bois des forêts urbaines implique une organisation importante en aval de la gestion forestière et l’implication d’acteurs compétents dans ce domaine.

  • Un chauffage à la biomasse forestière de serres en milieu urbain est un défi du fait des nuisances potentielles, de la logistique d’approvisionnement à mettre en place et de la rentabilité économique. Des systèmes de filtration des fumées doivent être installés afin de maîtriser les émissions de particules fines. Toutes les essences et tous les déchets forestiers n’ont pas le même potentiel calorifique.

  • La valorisation du bois urbain en Bois Raméal fragmenté (BRF), utilisé pour amender les sols, est complexifiée par l’hétérogénéité du bois récolté, en terme d’humidité, et par la faible proportion de bois vert. Son apport à l’agriculture, urbaine ou non-urbaine, est donc limité, même si c’est un débouché intéressant. Il est alors plutôt utilisé comme couverture thermique et physique, ou pour un aspect décoratif dans les plates-bandes municipales.

  • Le broyage du bois consomme une grande quantité d’énergie, reposant notamment sur des énergies fossiles (diesel). Une analyse de cycle de vie des produits d’utilité ou copeaux issus, incluant également cette étape, est en réalisation, et pourrait mettre en évidence des bénéfices environnementaux moindres qu’espérés.

  • Les arbres fruitiers de potentiels vergers urbains, représentent un autre défi, car leur gestion, optimale pour la culture, engendre généralement des tailles et des coupes d’arbres peu propices à la constitution d’un bois d’œuvre valorisable.

 

Leviers

  • À Montréal, l'existence du centre de valorisation du bois urbain (CVBU) permet à la ville d’être accompagnée dans la gestion du bois en fin de vie. L’action du CVBU comme maillon manquant entre les services municipaux de gestion des arbres et les différentes filières de valorisation du bois est une initiative qui pourrait être étendue à l'ensemble des arrondissements de Montréal afin de permettre une meilleure concertation des différents acteurs de la chaîne de valeur locale pour améliorer la valorisation des rebuts de bois.

  • Continuer à renforcer la formation des émondeurs et des arboriculteurs afin de maximiser le réemploi de bois. Les employés de la Ville de Montréal sont de plus en plus formés au respect des normes de façonnages en vigueur dans l'industrie (diamètres, rectitudes, présence de carie ou défauts). Un façonnage plus optimisé des billots permettrait aussi de valoriser les tiges de plus petits diamètres, diminuant la quantité de copeaux générés, et de faciliter la valorisation du bois coupé en le rendant plus homogène.

  • Mettre en place des mécanismes pour limiter concrètement l’élimination du bois (ex. : principe de pollueur-payeur, responsabilité élargie des producteurs). Rendre obligatoire le tri à la source sur les chantiers afin de récupérer la matière “bois”.

  • Stimuler la demande en meubles et mobilier issus du réemploi de bois urbain en privilégiant cette ressource pour les aménagements dédiés à l’agriculture urbaine (piquets, tuteurs, bacs, BRF, paillis, etc.).

  • Diffuser et renforcer les connaissances sur les utilisations du bois et ses dérivés en agriculture (copeaux de bois, BRF, vinaigre de bois, biochar…).

  • Sensibiliser et outiller les municipalités et organisations pour changer les habitudes de fonctionnement autour de la gestion du bois (et généralement, des matières résiduelles).

Aides financières existantes :


  • Des fonds et programmes de financement existent pour soutenir les initiatives valorisant le bois urbain comme le Fond Économie circulaire de Fondaction, ou utilisant des énergies alternatives telles que la biomasse forestière comme le programme Bioénergies du gouvernement du Québec.

 

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Exemples inspirants

Ils l’ont fait

 

Bois Public x
Ville de Montréal
x
centre de valorisation du bois urbain

Montréal, Québec

 

L’organisme Bois public a été précurseur en nouant un partenariat avec la Ville de Montréal afin de valoriser du bois de frêne en une série de mobilier urbain, dont des jardinières utiles à l’agriculture urbaine. Alexandre Lortie, adjoint à la direction de Bois Public, précise que l’organisme collabore désormais avec le Centre de valorisation du Bois urbain pour la récupération et la transformation du bois en planche, mais leur scierie mobile leur permet également de transformer le bois directement sur les lieux d’entreposage des billots.

Cette synergie a permis en 2020 de retourner des arbres à la communauté grâce à la création de 100 articles en bois recyclé. Le CVBU a pour sa part pris le relais des ententes de valorisation du bois avec le Service des grands parcs, du Mont-Royal et des Sports afin de trouver le meilleur débouché possible du bois issu de ces boisements.

 

Fraicheur urbainE

Granby (Québec)

Auparavant chauffé au propane, ce complexe de serres d’une superficie de 2000 m2 a converti son système par l’installation d’une fournaise à la biomasse, alimentée en résidus de bois provenant notamment de l’écocentre de la ville situé à moins de 2 km (déchets verts des citoyens broyés). Gilles Pelletier, propriétaire et directeur de la ferme, fait valoir deux motivations majeures : la volonté de moins polluer et de trouver une alternative économique au propane, rendu très coûteux.

Cette conversion va lui permettre de produire à l’année en évitant une génération de GES estimée à 300 tonnes par an. Sa ferme est située dans le prolongement immédiat du périmètre urbain, mais Gilles assure qu’aucune nuisance n’est provoquée par son installation.

 

Ils y pensent

ONYM

Montréal, Québec

 
 

L’entreprise ONYM est spécialisée dans le développement de projets de production et de commercialisation de bioénergies et bioproduits à partir de résidus de biomasse. Après un premier projet à la Tuque en Haute-Mauricie, l’entreprise a implanté une usine de production de bioénergies et de bioproduits, traitant notamment des résidus de bois provenant des travaux d'abattage et d'entretien des arbres urbains.

Leur procédé de transformation de la biomasse par pyrolyse peut leur permettre de valoriser jusqu'à 29 tonnes de matière sèche par jour soit l’équivalent de 58 tonnes de biomasse forestière ligneuse humide à 50 % (bois, écorce, branches, rameaux, souches et racines).

À l'issue du procédé, l’usine devrait produire aussi du biocharbon et du vinaigre de bois. Cette vitrine technologique est aussi une aubaine pour l’agriculture urbaine. Mustapha Ouyed, vice-président exécutif et cofondateur de l’entreprise relate “le biocharbon et le vinaigre de bois généré pourraient grandement bénéficier aux activités agricoles et horticoles en milieux urbains. Nous travaillons dans ce sens avec des partenaires spécialisés”. L'entreprise a été soutenue en novembre 2021 par le fond économie circulaire de Fondaction.

L’usine-vitrine technologique entrera en activité début 2023.

 

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